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  • Danièle Starenkyj

CES MOTS QUI GUÉRISSENT

Les mots peuvent blesser et même tuer. Mais quand ils sont prononcés par un médecin qui pratique la compassion en médecine, ils peuvent aussi guérir et même faire revivre.


C’est ce que l’on apprend en lisant le livre fascinant du Dr Bernard Lown, cardiologue, âgé aujourd’hui de 99 ans : THE LOST ART OF HEALING. Il plaide avec passion pour une médecine qui ne remplace pas l’intérêt pour le patient par une préoccupation pour sa maladie car, affirme-t-il, le processus de guérison exige plus que de la science, plus qu’une technologie de pointe, plus que des médicaments nouveaux. Il exige la mobilisation des attentes positives du patient et la stimulation de sa foi en la bonne volonté et la compétence de son médecin.


Et voilà la déclaration de ce spécialiste, renversante en notre ère de médecine « industrialisée », « standardisée » « déprofessionnalisée », et de patients « dépersonnalisés » : « Je connais peu de remèdes plus puissants qu’un mot soigneusement choisi. »


Pourquoi ? Dr Lown rappelle que les patients sont des humains en besoin de soins qui s’adressent à la globalité de leur personne. Chaque patient est la somme de ses besoins physiques, émotionnels, sociaux et spirituels, comblés ou négligés. Or, ces soins dont tout patient a besoin sont largement et simplement, prodigués par des MOTS. « La parole, qui peut être thérapeutique, est l'un des outils sous-estimés dans l'arsenal du médecin. »

Les mots qui guérissent jaillissent de l’esprit robustement optimiste du médecin, et cela même dans les circonstances les plus désespérantes. Dire calmement à un patient en mettant gentiment la main sur son épaule, et avec un sourire : « Tout ira bien » le soulage de l’inquiétude et favorise le retour à la santé.


Dr Lown, au cours de plus de six décennies de pratique médicale, a connu de nombreuses expériences de la puissance des mots qui guérissent… Je me permets de vous en citer deux.


1. Un patient avec une endocardite bactérienne subaiguë


C’était en 1960. Le patient était arrivé à l’hôpital avec une forte poussée de fièvre. Le Dr Samuel A. Levine, le mentor du Dr Lown, avait diagnostiqué une endocardite bactérienne subaiguë. C’était avant l’époque des antibiotiques, et cette infection d’une valve endommagée était presque toujours à 100 pour cent 100 fatale. Et voilà ce que le Dr Levine avait dit à ce patient : « Vous êtes gravement malade, mais ne vous inquiétez pas. Je sais ce qui ne va pas. Je sais comment vous traiter. Je sais comment vous guérir. Vous allez vous rétablir complètement. » Cette expérience a été rapportée au Dr Lown par le patient lui-même 30 ans plus tard. Et cet homme de conclure : « Malgré le fait que j’étais très malade, je ne me suis pas inquiété, et je suis toujours là. »


Le Dr Lown, impressionné par l’optimisme et la calme assurance qui imprégnaient les paroles de son maître, a accumulé à son tour une riche expérience clinique qui lui a permis de voir de nombreuses réponses positives à ses mots chez ses patients. Combien de fois, un mot anodin a été une source d’encouragement et d’espoir pour un patient parfois décompté. En voici la preuve.


2. Un patient aux soins intensifs coronariens


Le patient avait 60 ans. Cela faisait deux semaines qu’il avait fait une crise cardiaque avec presque toutes les complications possibles. Il avait de la difficulté à respirer, n’avait aucune énergie pour manger, absolument aucun appétit, et l’odeur de la nourriture lui donnait des nausées. Il avait de la difficulté à dormir par manque d’oxygène. La fin semblait imminente.


Chaque matin, le Dr Lown et son équipe entraient dans la chambre de ce malade comme un groupe d’entrepreneurs en pompes funèbres. Ils avaient épuisé toutes les expressions rassurantes qu’ils connaissaient, et ne croyaient plus pouvoir faire quelque chose pour lui. Chaque jour sa situation se détériorait. Le Dr Lown avait même, avec le consentement de la famille, écrit sur sa charte l’ordre de « ne pas ressusciter ».


Un matin, ce patient sembla aller mieux, et déclara se sentir mieux. En fait, ses signes vitaux s’étaient améliorés. Ne comprenant pas ce qui se passait et ne croyant plus vraiment à une amélioration possible de son état, Dr Lown le fit déplacer dans une chambre privée, se disant qu’ainsi il pourrait être plus tranquille qu’aux soins intensifs. En moins d’une semaine, son patient rentrait chez lui et le Dr Lown le perdit de vue.


Six mois plus tard, ce patient se présenta au bureau de son médecin qui le trouva en pleine santé. Son cœur était toujours aussi endommagé mais il n’avait pas de congestion et presque pas de symptômes. Tout à fait incrédule, le Dr Lown s’exclama : « Un miracle ! C’est un miracle ! » Ce à quoi, le patient rétorqua avec certitude : « Non, ce n’est pas un miracle. »

Troublé, le docteur lui demanda ce qu’il voulait dire. Le patient lui dit : « Je connais le moment exact où ce soi-disant miracle est survenu. Je savais très bien ce que vous pensiez et que vous ne saviez plus trop quoi faire. Vous étiez en train de me persuader que j’étais un mourant, et je me soumettais à votre verdict. Mais, le jeudi matin 25 avril vous êtes entré dans ma chambre avec votre équipe et vous m’avez regardé comme si j’étais déjà dans mon cercueil. Vous avez placé votre stéthoscope sur ma poitrine et vous avez demandé à tous d’écouter le VIGOUREUX GALOP. Je me suis dit que si mon cœur était encore capable de faire un vigoureux galop, il était impossible que je sois en train de mourir, et je me suis remis. Vous voyez, docteur, ce n’est pas un miracle. C’est l’esprit qui a dominé sur le

corps. »


Le Dr Lown conclut cette expérience clinique avec ces mots : « Le patient ne savait pas qu’un galop était un mauvais signe. C’était le son d’un ventricule gauche, trop étiré et défaillant, s'efforçant inefficacement de pomper le sang. Un vigoureux galop est un oxymoron. »


Pensez-y : même un mot avec une connotation négative interprété par le patient positivement peut avoir un effet « miraculeux ». Oui, les mots ont une extraordinaire puissance, une puissance prodigieuse de guérison. N’en soyez pas avare. Distribuez-les généreusement. Ils peuvent sauver des vies, la vôtre et celles des vôtres et des autres.


©2020 Danièle Starenkyj

1. Bernard Lown, The Lost Art of Healing, Practicing compassion in medicine, Ballantine Books, 1999.

2. David I. Levy, PLUS QUE MATIÈRE GRISE, L’extraordinaire fusion de la médecine et de l’empathie, Orion, 2015.

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