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  • Danièle Starenkyj

LE CHARBON ACTIVÉ : UNE PUISSANTE PROTECTION DU MICROBIOME CONTRE LES ANTIBIOTIQUES

Le charbon activé oral est un adsorbant efficace qui ne passe pas dans la circulation sanguine.


Préparé à partir de matières végétales contenant du carbone naturel et activé par un chauffage intensif, le charbon activé est utilisé depuis des siècles dans la médecine traditionnelle pour le traitement des empoisonnements, des intoxications et des inflammations infectieuses de l’intestin grêle.


Plus récemment, des études cliniques médicales ont confirmé les effets bénéfiques du charbon activé dans le traitement de morbidités intestinales telles que le syndrome du côlon irritable et la diarrhée causée par la chimiothérapie tumorale, les médicaments ou les maladies intestinales infectieuses.


En raison de la grande surface des particules du charbon activé, élargie par des millions de petits et moyens pores, son principal mode d'action est la liaison et l'adsorption des toxines et des agents infectieux, protégeant ainsi le corps humain de l'empoisonnement, de l'intoxication et des invasions microbiennes responsables des maladies intestinales.


Les effets anti-inflammatoires du charbon activé ont été mis au compte de sa capacité de lier et d’inactiver les cytokines pro-inflammatoires et diverses endotoxines bactériennes.


Entre hier et aujourd’hui, le charbon n’a pas fini de nous fasciner !


LE CHARBON AU SECOURS DE LA RÉSISTANCE ANTIBIOTIQUE


Des études très actuelles ont suggéré son efficacité potentielle dans la protection du microbiote du côlon contre les effets néfastes des ANTIBIOTIQUES. En fait, le charbon activé est apparu comme un candidat prometteur remplissant ces conditions.


Les antibiotiques, pierre angulaire des soins de santé modernes, permettent de survivre à des infections autrement mortelles et de réaliser des procédures médicales fondamentales, telles que la chirurgie et la chimiothérapie du cancer. Cependant, les traitements antibiotiques systémiques, bien qu'ils puissent sauver des vies, peuvent dévaster les microbes du microbiote qui sont essentiels pour des fonctions allant de la défense immunitaire au métabolisme des nutriments. Ils représentent ainsi une cause majeure de perturbation du microbiote intestinal, entraînant des conséquences néfastes à l'échelle mondiale, notamment l'infection à Clostridium difficile, et la résistance aux antibiotiques.


Parmi les stratégies actuelles utilisées pour prévenir la dysbiose intestinale liée aux antibiotiques figurent l'utilisation judicieuse des antibiotiques, la transplantation de microbiote fécal et les dégradateurs sélectifs d'antibiotiques luminaux (soit des antibiotiques présents dans l'espace intérieur de l’intestin délimité par ses parois., espace appelé lumière intestinale).


Voici quelques études actuelles qui ajoutent avec empressement à cette liste de stratégies nouvelles, le CHARBON ACTIVÉ redécouvert.


1. Étude de sécurité et de faisabilité d'un dosage de charbon actif oral et de ses effets sur le microbiote intestinal chez des volontaires sains ne recevant pas d'antibiotiques


Dans cette étude, les chercheurs, sûrs de l’innocuité du charbon chez des patients en bonne santé, en ont donné à des patients ayant reçu des antibiotiques par voie intraveineuse.


Le charbon, nous disent ces chercheurs, peut constituer une approche simple, sûre et efficace pour protéger le microbiome intestinal contre la fraction d'antibiotiques qui atteint la lumière intestinale (par exemple, via la bile ou le transport direct).


Une mise en garde est donnée pour les patients recevant des antibiotiques par voie orale. Cette stratégie exige des précautions : le charbon activé pris en même temps que l’antibiotique peut altérer l'absorption des antibiotiques et réduire leur effet systémique souhaité.


De même, rappelons que pour les patients prenant d'autres médicaments oraux essentiels, le charbon doit toujours être pris rigoureusement 3 heures avant ou 3 heures après le ou les médicaments.


Ainsi, cette étude a confirmé deux autres études qui suggéraient que le charbon activé pourrait protéger le microbiote intestinal en séquestrant les résidus d'antibiotiques intraveineux dans le tractus gastro-intestinal inférieur.


En conclusion, « l'infection à Clostridium difficile est une complication liée à la dysbiose chez ces patients, et les résultats que nous avons obtenus ici fournissent des données préliminaires essentielles à l'appui d'un essai clinique du charbon activé chez ces patients. »



2. Protection du microbiome intestinal contre les antibiotiques : développement d'un adsorbant spécifique à la vancomycine à haute capacité d'adsorption


Cette étude, tout en proposant un nouvel adsorbant à base de microparticules de polyéthylène glycol, confirme les effets positifs du charbon activé et son action protectrice en ces termes :


« La fraction d'antibiotiques administrés qui atteint le cæcum et le côlon provoque une dysbiose du microbiome intestinal, ce qui entraîne diverses maladies. La protection du microbiome intestinal contre les antibiotiques à l'aide d'adsorbants d'antibiotiques dans le cæcum et le côlon est une méthode prometteuse pour résoudre ce problème. On a déjà signalé que le charbon activé protégeait le microbiome intestinal des animaux hôtes. Le charbon actif est un adsorbant largement utilisé pour capturer les composés toxiques et les médicaments surdosés dans le tractus gastro-intestinal. »



3. Protection du microbiome intestinal humain contre les antibiotiques


« Les antibiotiques sont des médicaments qui sauvent des vies, mais ils affectent gravement le microbiome intestinal, avec des conséquences à court terme telles que la diarrhée et la sélection de bactéries résistantes aux antibiotiques. Des liens à long terme avec l'allergie et l'obésité sont également suggérés. »


Ces chercheurs ont mis au point un produit, le DAV132. Ils ont démontré sa capacité à délivrer un puissant adsorbant, le charbon activé, dans l'iléon terminal de volontaires humains traités avec un régime clinique de 5 jours de moxifloxacine, un antibiotique fluoroquinolone, en 2 groupes parallèles, avec ou sans co-administration de DAV132.


Les résultats ont démontré que la co-administration de DAV132 avait diminué les concentrations fécales de moxifloxacine libre de 99%, alors que les niveaux plasmatiques n'avaient pas été affectés. La richesse et la composition du microbiote intestinal étaient largement préservées chez les sujets ayant reçu le DAV132 en plus de la moxifloxacine. Aucun effet indésirable n'avait été observé.


Le DAV132 a aussi adsorbé efficacement une large gamme d'antibiotiques cliniquement pertinents ex vivo.


4. Une approche proactive au charbon activé protège le microbiome intestinal des antibiotiques systémiques


Cette étude confirme et appuie l’étude précédente. Le charbon activé, sous forme de DAV132, grâce à sa formulation permettant une libération dirigée dans le gros intestin, a une efficacité de séquestration de l’antibiotique spécifique à l'intestin dans une population humaine. Les auteurs ont constaté que la moxifloxacine éliminait la richesse génétique des communautés microbiennes de l’intestin, tandis que l'administration de DAV132 offrait une protection durable contre cet assaut.


5. Efficacité in vitro du charbon actif dans l’adsorption fécale de la ceftriaxone chez les patients ayant reçu de la ceftriaxone intraveineuse


Cet article présente un point de vue très intéressant : Suite aux nombreuses études confirmant les effets adsorbants du charbon activé, plusieurs charbons artificiels, des microparticules de gel et des billes de résine ont vu le jour et ont même démontré leur efficacité dans l'adsorption des antibiotiques intestinaux dans des études animales.


Cet article rapporte la première étude in vitro évaluant l'efficacité de l'adsorption d'antibiotiques par le charbon activé en poudre (dit charbon conventionnel) dans les selles humaines.


La dose habituelle de charbon conventionnel pour les intoxications alimentaires, soit 30 mg/g de fèces, a montré une adsorption de ceftriaxone fécale significative et dépendante de la dose. L'adsorption a augmenté avec des doses plus élevées, soit 71 % et 87 % pour 150 et 500 mg de charbon par gramme de fèces, respectivement.

L’article conclut : « Le charbon conventionnel oral pourrait être une option pragmatique et peu coûteuse pour la protection du microbiote intestinal chez les patients recevant de la ceftriaxone par voie intraveineuse. »



6. Effets d'atténuation de la maladie du traitement au charbon actif par voie orale dans la campylobactériose murine aiguë


D’une part, les infections à Campylobacter jejuni d'origine alimentaire sont en augmentation et sont à l'origine de graves problèmes de santé dans le monde entier. D’autre part, la résistance croissante des souches de C. jejuni aux traitements antimicrobiens nécessite des options thérapeutiques indépendantes des antibiotiques pour la campylobactériose aiguë.


Le tractus intestinal des volailles constitue le principal réservoir de l'agent pathogène. Là, les bactéries C. jejuni se comportent comme des résidents commensaux et ne provoquent généralement pas de signes cliniques chez l’animal. Par conséquent, C. jejuni est transmis à l'humain à partir du bétail aviaire par le biais d'une contamination au sein de la chaîne alimentaire.


On sait depuis des décennies que les patients infectés présentent des diarrhées, des douleurs abdominales, des vomissements, des maux de tête, de la fièvre, des diarrhées, et des selles sanguinolentes.


Chez les sujets par ailleurs en bonne santé, la maladie induite par C. jejuni se résorbe spontanément et disparaît dans les 10 à 14 jours suivant l'infection.


Le traitement antibiotique est toutefois réservé aux cas hospitalisés gravement malades, y compris aux patients immunodéprimés qui risquent des complications systémiques.


Il faut cependant tenir compte du fait que même les cas autolimités entraînent un fardeau socio-économique important, qui est accéléré par les maladies post-infectieuses affectant le système nerveux central, le tractus intestinal ou les articulations.


Ces morbidités auto-immunes rares comprennent les syndromes de Guillain-Barré et de Miller Fisher, l'encéphalite de Bickerstaff, le syndrome du côlon irritable, la maladie cœliaque, les maladies inflammatoires de l'intestin et l'arthrite réactive.


Dans cette étude d'intervention préclinique, les auteurs se sont intéressés aux effets anti-pathogènes et immuno-modulateurs potentiels du charbon activé au cours d'une campylobactériose expérimentale aiguë chez la souris.

Les résultats très encourageants ont démontré que le 6e jour après l'infection, les souris traitées par le charbon activé, par rapport aux souris traitées par placebo, présentaient non seulement des charges pathogènes intestinales plus faibles, mais aussi des signes cliniques atténués induits par C. jejuni, tels que la diarrhée et les symptômes d'amaigrissement.


L'amélioration de l'état clinique des souris traitées au charbon activé s'est accompagnée d'une diminution de l'apoptose (mort cellulaire programmée) des cellules épithéliales du côlon et d'une réduction des réponses immunitaires pro-inflammatoires dans le tractus intestinal.


Notamment, le traitement au charbon activé n'a pas seulement atténué les réponses immunitaires intestinales, mais aussi extra-intestinales et systémiques, comme l'indique l'atténuation de la sécrétion de médiateurs pro-inflammatoires.


Étant donné les propriétés anti-pathogènes et immuno-modulatrices confirmées du charbon activé dans cette étude, une application à court terme de « ce médicament non toxique » constitue une option prometteuse, indépendante des antibiotiques, pour le traitement de la campylobactériose humaine.


Conclusion


Il y a 3500 ans, on utilisait le charbon pour conserver les momies, les piquets de clôture et les réserves d’eau potable.


Aujourd’hui, on compte sérieusement sur « mon petit docteur » pour dépolluer notre environnement mais aussi notre corps de toutes les substances toxiques auxquelles il est soumis quotidiennement. (Rappelons-nous que jusqu’au début du 21e siècle, les antibiotiques étaient utilisés dans l’alimentation animale comme facteurs de croissance et additifs.)


Alors, ne vous privez pas des bienfaits reconnus du charbon activé. Prenez le temps de faire sa connaissance. Lisez et relisez Mon petit docteur.


© 2023 DANIÈLE STARENKYJ

RÉFÉRENCES

1. Armin Rashidi et coll., A dose-finding safety and feasibility study of oral activated charcoal and its effects on the gut microbiota in healthy volunteers not receiving antibiotics, PLOS, 2022.

2. Kazuki Yuzuriha et coll., Protection of gut microbiome from antibiotics: development of a vancomycin-specific adsorbent with high adsorption capacity, Biosci Microbiota Food Health, 2020.

3. Jean de Gunzburg et coll., Protection of the Human Gut Microbiome from Antibiotics, J Infect Dis, 2018.

4. Chaz Langelier et coll., A proactive charcoal approach shields the gut microbiome from systemic antibiotics, Science Translational medicine, 2018.

5. Jinju Guk et coll., Modeling the Effect of DAV132, a Novel Colon-Targeted Adsorbent, on Fecal Concentrations of Moxifloxacin and Gut Microbiota Diversity in Healthy Volunteers, Clin Pharmacol Ther, 2021.

6. Pattama Torvorapanit et coll., The In Vitro Efficacy of Activated Charcoal in Fecal Ceftriaxone Adsorption among Patients Who Received Intravenous Ceftriaxone, Antibiotics (Basel), 2023.

7. Stefan Bereswill et coll., Disease-Alleviating Effects of Peroral Activated Charcoal Treatment in Acute Murine Campylobacteriosis, Gastrointestinal Microbiology Research Group, Institute of Microbiology, Infectious Diseases and Immunology, Charité-Universitätsmedizin Berlin, Microorganisms 2021.


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