LES LÉGUMINEUSES : UNE MERVEILLE POUR LE MICROBIOTE
Les légumineuses sont vieilles comme le monde comme en témoigne ce texte trois fois millénaire tiré du livre de la Genèse, dit le livre du Commencement : « Alors Jacob donna à Ésaü du pain et du potage de lentilles » (Genèse 25.34).
Les légumineuses sont aussi universelles : la France a ses haricots blancs, l’Angleterre a ses fèves rognons, l’Espagne et l’Amérique latine ont leurs flageolets, les Arabes ont leurs pois chiches, l’Inde a ses multiples variétés de lentilles, la Chine et le Japon ont leurs fèves soja, l’Afrique a l’arachide et le niébé, les États-Unis ont les Great Northern, le Québec a ses gourganes. Mais, attention, nous n’avons pas encore fait le tour de tous les coins du monde ! Les variétés de légumineuses sont presque infinies.
Chaque peuple sur cette terre a toujours associé aux légumineuses une céréale consommée simultanément. Ainsi, les Français et les Anglais mangent du pain brun avec leurs fèves, les Espagnols et les Américains latins du maïs sous forme de polenta et de tortillas, les Arabes du couscous (blé concassé ou semoule), les Indiens, les Chinois et les Japonais du riz, les Africains les mils, les sorghos, le fonio, le teff.
Au 21e siècle, la science redécouvre les légumineuses délaissées au 20e siècle, particulièrement en Occident, au profit de la viande, du fromage, des farines blanches et du sucre ; et elle se désole d’une telle méprise. Le prix en est élevé, très élevé, trop élevé pour la santé de notre race humaine et de son écologie interne.
DE QUOI S’AGIT-IL ?
Le MICROBIOTE, redécouvert lui aussi au 21e siècle, fascine les scientifiques qui s’attaquent au fléau des maladies non transmissibles, dites métaboliques, qui touchent dans des proportions outrageuses nos populations : problèmes cardiovasculaires, cancers, diabète, obésité, hypertension, maladies inflammatoires de l’intestin, troubles neurologiques, troubles psychiatriques, infections récurrentes, etc.
Qui dit microbiote dit 100 000 milliards de bactéries intestinales dans notre côlon pouvant peser jusqu’à 2 kilos et qui ont toutes besoin de manger pour être en santé, et pour nous garder en santé !
MANGER QUOI ?
La réponse est très simple, les bactéries doivent manger DES FIBRES, les éléments non digestibles des aliments végétaux ENTIERS, NON RAFFINÉS mais qui sont totalement absents dans les produits animaux et les aliments raffinés de l’alimentation industrielle.
Une abondance de fibres soutient la vie des bactéries saines mais la pénurie de fibres produit des bactéries réduites en nombre, malsaines, chétives, affamées et nuisibles.
Et la grande nouvelle, la voici : les légumineuses sont les aliments végétaux non raffinés les plus riches en fibres qui soient. En fait, ce sont des aliments très denses en nutriments sous un petit volume : ½ tasse de légumineuses offre 115 calories, 20 g de glucides, 8 grammes de protéines, 1 gramme de lipides (zéro cholestérol) et 7 à 9 grammes de FIBRES, ce qui leur donne un faible indice glycémique, généralement compris entre 10 et 40, sans parler d’une abondance de vitamines, minéraux, composants phytochimiques (antioxydants).
LES LÉGUMINEUSESTE PROCTRICES DU MICROBIOTE
En conservant à l’esprit la riche composition des légumineuses, voyons ce que la carence en fibres fait au microbiote :
→ La science sait qu’un microbiote malingre et dénutri, donc carencé en fibres, entretient une composition microbienne défavorable de l'intestin qui est associée à l’inflammation, à l'obésité, à la résistance à l'insuline, au diabète de type 2 et aux facteurs de risque des maladies cardiovasculaires.
→ Un régime riche en graisses, donc carencé en fibres, a une influence négative sur la composition du microbiote, mais aussi sur la perméabilité intestinale et la production de cytokines pro-inflammatoires (qui augmentent de beaucoup).
→ Les fibres alimentaires, et particulièrement celles des légumineuses, sont des composés dits PRÉBIOTIQUES, bénéfiques pour la santé humaine en offrant une protection contre le développement des maladies non transmissibles modernes par le biais des bactéries saines et bien nourries dans l'intestin.
→ La digestion des fibres alimentaires solubles et non solubles (amidons résistants) par les bactéries saines produit des acides gras à chaîne courte (AGCC) : butyrate, acétate, et propionate. Les AGCC servent de molécules de signalisation et d'activateurs qui peuvent jouer un rôle important dans l'amélioration de la tolérance au glucose en régulant les mécanismes de l'équilibre énergétique.
→ L'augmentation de la production de butyrate présente un avantage antiobésité et il a été démontré qu'elle contribuait à la réduction du poids corporel et de la graisse corporelle, ainsi qu'à l'amélioration de la sensibilité à l'insuline.
→ Il a été démontré que l'inclusion de légumineuses dans le régime alimentaire augmentait les AGCC et améliorait les indicateurs des maladies liées à l'obésité.
→ Une étude d’une durée de deux mois avec des rats nourris de fèves noires, a montré chez ces rats des différences positives importantes par rapport aux groupes témoins. Ils présentaient :
• une plus grande diversité microbienne bénéfique,
• une plus grande abondance de bactéries productrices de butyrate, et des concentrations élevées de butyrate,
• des taux moindres de lipopolysaccharides (toxines bactériennes) et de NF-κB intestinal (un des multiples régulateurs de plusieurs gènes codant des protéines de l'inflammation),
• une glycémie post-prandiale (après les repas) et une signalisation de l'insuline significativement plus faibles,
• ainsi qu'une réduction de 28 % de la graisse corporelle.
Voici la conclusion de l’étude publiée : « Les interventions visant à moduler la composition microbienne de l'intestin, y compris une consommation accrue de légumineuses, peuvent constituer une stratégie thérapeutique efficace pour améliorer la résistance à l'insuline, l'inflammation et les conditions comorbides de l'obésité et du diabète de type 2. »
LES LÉGUMINEUSES ET LA SANTÉ DE L’INTESTIN
Les régimes dépourvus de fibres ont non seulement un impact négatif sur la diversité du microbiome intestinal, mais ils favorisent également la DÉGRADATION de la muqueuse du côlon et augmentent potentiellement le risque d'infection et de maladies de l’intestin. La combinaison d'amidon résistant et de fibres solubles dans les légumineuses permet à la fermentation de se produire dans le côlon, entraînant, comme dit plus haut, une production accrue d'acides gras à chaîne courte (AGCC) par le microbiote dans le corps humain, en particulier le butyrate, une source d'énergie importante pour les mécanismes de soutien de l’intégrité de la paroi intestinale.
Le butyrate est directement impliqué dans les mécanismes de répression de l'inflammation et du CANCER. Une étude rapporte que des rats exposés à un agent cancérigène (azoxyméthane) pour le côlon, et nourris avec des haricots noirs ou des haricots blancs pendant une période expérimentale de 36 semaines avaient
• un poids corporel inférieur de plus de 12 %,
• une incidence significativement réduite d'adénocarcinomes du côlon (44-75 %)
• et de tumeurs totales (54-59 %),
• et des concentrations de butyrate dans le côlon neuf fois plus élevées que dans les groupes témoins.
Les AGCC butyrate, acétate et propionate de l'amidon résistant des légumineuses sont bénéfiques pour la santé du côlon grâce à de multiples mécanismes qui favorisent un environnement propice à une activité, une croissance, et un développement sains des cellules du côlon (colonocytes).
→Les acides gras à chaîne courte jouent un rôle important dans la réduction des événements indésirables qui se développent à partir de l’inflammation intestinale chronique :
→On peut nommer les conditions gastro-intestinales telles que les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), dont la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH), et le cancer du côlon.
→ Le microbiote joue un rôle déterminant dans les mécanismes inflammatoires qui favorisent ou réduisent le développement des MICI et des tumeurs cancéreuses.
→ Des souris nourries avec des haricots noirs ou des haricots blancs ont présenté une meilleure intégrité de la barrière épithéliale du mucus et une perméabilité réduite grâce à une fermentation microbienne accrue des hydrates de carbone et une diminution de la putréfaction des protéines.
→ Un manque de diversité et une inégalité de ratio du microbiote intestinal ont été signalés chez les patients atteints de cancer colorectal (CCR), avec une abondance significative de bactéries pathogènes telles que Streptococcus et Escherichia-Shigella et des quantités moindres de genres produisant du butyrate.
→ Les personnes souffrant de MICI présentent une diversité négative du microbiome et peuvent avoir en moyenne 25 % de types de gènes microbiens fécaux en moins que les personnes ayant un intestin sain.
→ Dans un modèle murin de colite, les auteurs ont testé les effets de la farine de haricots (cuits entiers) sur la modulation de la gravité initiale de la maladie du côlon. Ils ont démontré que la supplémentation en haricots noirs et en haricots blancs améliore les marqueurs de l'inflammation dans la colite.
CONCLUSION
Nous sommes ce que nous mangeons, dit le dicton.
Nous sommes ce dont notre microbiote se nourrit, dit la science.
Mais la sagesse n’oublie pas que notre microbiote se nourrit de ce dont nous mangeons.
Penser FIBRES, c’est penser VIVRE.
RÉFÉRENCES
- Larry A Tucker, Legume Intake, Body Weight, and Abdominal Adiposity: 10-Year Weight Change and Cross-Sectional Results in 15,185 U.S. Adults, Nutrients, 2023.
- Amy P. Mullins et coll., Health Benefits of Plant-Based Nutrition: Focus on Beans in Cardiometabolic Diseases, Nutrients, 2021.
- Jaimee Hughes et coll., Legumes-A Comprehensive Exploration of Global Food-Based Dietary Guidelines and Consumption, Nutrients, 2022.
- Marco Fuel et coll., Antioxidant and Chemopreventive Activity of Protein Hydrolysates from Raw and Germinated Flour of Legumes with Commercial Interest in Colorectal Cancer, Antioxidants (Basel), 2022.
- Milagros Faridy Juárez-Chairez et coll., Potential anti-inflammatory effects of legumes: a review, Br J Nutr, 2022.
- Milagros Faridy Juárez-Chairez et coll., Biological functions of peptides from legumes in gastrointestinal health. A review, J Food Biochem, 2022.
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