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  • Danièle Starenkyj

UN BURGER AUX CRIQUETS MIGRATEURS HÂCHÉS

Aussi insolite que le burger végétal saignant, ce burger vient d’apparaître sur le menu à la carte d’un restaurant suisse, accompagné d’une brochette de criquets entiers grillés. « Les insectes font le buzz », peut-on lire dans certains journaux. Vers de farine, grillons et criquets migrateurs ont été autorisés comme denrées alimentaires en Suisse en mai 2017. En 2013, La FAO (Food and Agricultural Organization) – une branche de l’ONU (Organisation des Nations Unies) – avait présenté l’entomophagie1 (la consommation d’insectes) comme une « solution innovante pour nourrir la planète », cette planète qui, projette-t-on, aura 9 milliards d’humains en 2050 ; qui n’a plus assez de terres arables ; dont les mers et les océans sont déjà en surpêche ; et qui souffre de pénuries d’eau potable.

Les arguments en faveur de la consommation d’insectes sont principalement écologiques : ces « petites bêtes » sont saines ; elles sont savoureuses ; les insectes produisent moins de gaz à effet de serre que le bétail ; leur production est écologiquement durable, celle-ci nécessitant bien moins de ressources que la production de viande traditionnelle. Le problème, selon les tenants de l’entomophagie, est une demande supérieure à l’offre, malgré le fait que des éleveurs se sont mis au travail et fournissent des vers de farine particulièrement prisés pour la fabrication de burgers et de boulettes qui disparaissent plus vite qu’on peut les fabriquer. Bien sûr, il va falloir ainsi se tourner rapidement vers l’élevage massif (industriel) d’insectes. Sont visés par ces produits les curieux en quête de nouvelles expériences gustatives ; ceux qui recherchent une alimentation riche en protéines ; et ceux qui croient pouvoir ainsi protéger notre planète.

À écouter tout cela, on se demande si l’Occident n’est pas en train de découvrir une nouvelle manne. Qu’en est-il vraiment ? Une mise en garde sérieuse a été émise par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) en France :

  • Outre le prix encore excessif de quelques grammes d’insectes, contrairement à ce qui est véhiculé, la consommation massive d’insectes nuira à l’écologie.

  • Les insectes sont dans les premiers éléments du réseau trophique (qui concerne la nutrition des tissus). Il est à craindre qu’une surexploitation des insectes sauvages comestibles bouleverse l’écosystème entier car leur domestication et leur sélection conduira à l’extinction de la variété sauvage.

  • Tous les insectes ne sont pas comestibles. Il y en a de toxiques ou de dangereux.

  • Les insectes, comme tous les êtres vivants, peuvent être porteurs de maladies. Il faudra alors des élevages contrôlés. Mais si notre société a déjà beaucoup de mal à contrôler l’élevage des bovins, par exemple, comment va-t-elle pouvoir contrôler un élevage entier de criquets et de grillons ?

  • Certains vers se nourrissent de plantes contenant des molécules très toxiques entraînant des risques d’empoisonnement humain.

  • Il peut y avoir des résidus de pesticides ou autres substances chimiques sur ou dans les insectes. Il peut y avoir aussi des virus et des parasites.

  • Des parties dures de l’insecte (le dard ou le rostre – une sorte de prolongement présent chez les charançons) peuvent engendrer des dommages sur l’œsophage, la trachée, etc.

  • Attention au venin qui doit être éliminé. Des bactéries pathogènes et des champignons apparaissent lorsque les insectes sont mal nourris, mal cuits ou mal conservés. Un élevage en environnement sain et une cuisson adaptée à un produit animal s’imposent.

  • Le plus grand risque est celui d’ALLERGIE. Les insectes ont des substances communes ou très proches de celles des crustacés ou des mollusques. La chitine, un élément fibreux qui compose la carapace des crustacés ainsi que l’exosquelette des insectes est un allergène connu. La chitine est non digestible et elle doit être éliminée rapidement. Elle capte alors les graisses qui sont éliminées avec elle. C’est ainsi que les insectes sont présentés comme un aliment permettant de lutter contre l’obésité et d’abaisser les taux de cholestérol. L’allergie aux crustacés touchant environ 115 000 Français, près de 100 000 individus pourraient « potentiellement » présenter une réaction allergique après l’ingestion d’insectes. C’est à y penser sérieusement.

L’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), un organisme indépendant, a également élaboré un profil de risques liés à la consommation humaine ou animale d’insectes. Son point de départ est simple : les insectes sont des sources animales de protéines et doivent donc être comparés aux sources traditionnelles de protéines animales.

  • Leur qualité dépendra des méthodes de production utilisées, des aliments avec lesquels on va les nourrir, de l’étape du cycle de vie à laquelle ils seront récoltés, de l’espèce d’insectes, des méthodes utilisées pour leur traitement ultérieur.

  • « Si des insectes non transformés sont nourris en élevage intensif avec les aliments pour animaux actuellement autorisés, l’apparition potentielle de contaminants biologiques devrait être similaire à celle observée dans d’autres sources non transformées de protéines animales. »

  • « La présence de prions2 – des protéines animales susceptibles d’engendrer des maladies telles que l’encéphalopathie spongiforme bovine (EBS) chez les bovins et la maladie de Creutzfelf-Jakob chez l’homme – est possible si le substrat (la nourriture donnée aux insectes) comporte des protéines humaines (fumier humain) ou des protéines issues de ruminants3. »

Il y aurait encore beaucoup à dire, notamment sur le plan éthique. Après avoir abusé des grosses bêtes savoureuses, on se lance dans l’exploitation des « petites bêtes » savoureuses. Est-ce mieux ? Pour ma part, je vais continuer à trouver mes protéines, ma vitamine B12, mes fibres, et beaucoup plus, dans une alimentation purement végétale qui est le substrat de toutes les nourritures animales. En 2018, plus que jamais, vive la véritable simplicité alimentaire !

©Danièle Starenkyj

1. Entomophagie : Le défi de nourrir la planète passera par la consommation d’insectes, Commerce Monde, le 19 janvier 2017.

2. Starenkyj D., QUAND MANGER REND FOU -- La filière des protéines infectieuses, Orion.3. Risk profile of insects as food and feed, EFSA Journal 13 (10), 4257 [60 pages], 2015.

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