- Danièle Starenkyj
UN SOUVENIR CULINAIRE D’ENFANCE
Petite, je raffolais des tartines de pain noir, de beurre frais et de CÉNOVIS que mon père nous faisait régulièrement. J’aimais son air grave alors qu’il nous donnait des explications nutritionnelles d’avant-garde : il insistait sur la qualité d’un pain solide au teint basané et non mou et anémique ; il nous parlait de la différence entre le beurre et la margarine, ce nouveau produit industriel qui bénéficiait d’une forte publicité, et soulevait, à l’époque, bien des débats ; et, il se plaisait à revenir à chaque fois sur l’histoire fascinante de ce produit 100 % suisse : le CÉNOVIS.
Il avait agrémenté les pommes de terre d’un peuple aux prises avec une crise économique lors des années 1930, puis il avait été intégré en 1955 à la trousse de secours des recrues de l’armée de ce pays pacifique, et, voilà, il se retrouvait maintenant sur nos tartines salées dont nous nous régalions. Son origine remontait à la découverte de deux brasseurs qui avaient trouvé la technique pour éliminer l’amertume de la levure de bière. Quelque temps après, ils en tiraient le premier SUPERALIMENT naturel moderne : une pâte brune, épaisse, riche en vitamines B, et particulièrement en vitamine B1 -- cette vitamine qui transforme les glucides en énergie et qui est indispensable au fonctionnement optimal du système nerveux, à la vitalité des muscles, et à l’efficacité du système immunitaire – et, bien sûr, riche aussi en protéines végétales d’excellente qualité.
Le CÉNOVIS avait un goût imbattable : le goût umami – avant même sa popularité occidentale au 21e siècle. Oui, le CÉNOVIS, riche en levures alimentaires avait ce goût délicieux, savoureux, des aliments dont on ne se lasse pas. Mélange épais, collant, dont la recette de fabrication est toujours secrète – le secret suisse – ce produit n’a cependant ni graisse, ni sucre. Il est totalement végétalien, sans lactose ni glutamate. Agrémenté d’extraits de légumes (carottes, oignons) et de sel, il se retrouvait sur nos tartines, oui, mais aussi, dans nos sauces à salade, dans nos soupes du soir, et dans les nombreux plats délicieux que mon père aimait bien cuisiner. À nos questions : qu’est-ce que tu as mis là-dedans pour que ce soit si bon ? la réponse invariable était toujours : un peu de CÉNOVIS !
Pour Papa, le CÉNOVIS avait la saveur identitaire suisse, oui, mais aussi, la saveur identitaire de la santé, de la force, de la vigueur. Il portait honnêtement son nom aux racines latines : cenare – manger – et vis – force. Des tartines beurrées avec du CÉNOVIS, c’était manger de la force.
Alors, oui, le souvenir culinaire de mon enfance, c’est cette pâte à tartiner, la certitude de ses bienfaits pour ma santé, et surtout, ce sentiment béni que mon père se souciait de notre bien-être … qu’il nous aimait tout simplement. Et vous, quel est le souvenir culinaire de votre
enfance ?
©2020 Danièle Starenkyj
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