LE STRESS DONT IL FAUT GUÉRIR AU RISQUE D’EN MOURIR
Des stress, il y en a pour tous : le stress détresse, le bon stress dit eustress, le stress aigu, le stress chronique, le stress objectif, le stress subjectif, le stress prénatal, le stress environnemental, et le plus dévastateur des stress, le stress qui découle des EXPÉRIENCES D’ADVERSITÉ DE L’ENFANCE (EAE), dit stress toxique.
QU’EST-CE QUE CE STRESS TOXIQUE ?
La littérature scientifique lui donne cette définition : « Le stress toxique est défini comme l'exposition d’un enfant à des événements indésirables, extrêmes, fréquents et persistants, sans la présence d'une personne de confiance. »
Plus précisément, ces événements indésirables sont au nombre de 10.
5 sont personnels :
- violence physique,
- violence verbale,
- violence sexuelle,
- négligence physique et
- négligence émotionnelle.
5 sont liés à d'autres membres de la famille :
- un parent alcoolique,
- une mère/un père victime de violence domestique, cette violence pouvant aussi provenir des parents ou des grands-parents du père et/ou de la mère,
- un membre de la famille en prison,
- un membre de la famille atteint d'une maladie mentale et
- le divorce des parents.
L’ÉTUDE DU DR VINCE FELITTI DU KAISER (Permanente Medical Group) ET DU DR BOB ANDA DU CDC (Centers for Disease Control and Prevention)
C’est cette étude, parue en 1998, qui a révélé le phénomène du stress toxique. Son élément choc en fut la révélation d’une corrélation incontournable entre les scores d’EAE de 17 500 personnes caucasiennes, d’âge moyen et de classe moyenne, et leur état de santé à l’ÂGE ADULTE. Je ne peux m’empêcher d’en citer ce passage : « L'étude EAE révèle un lien puissant entre les expériences émotionnelles vécues dans l'enfance et la santé émotionnelle, la santé physique et les principales causes de mortalité à l'âge adulte aux États-Unis. » (L’âge moyen des participants à cette étude était 50 ans.)
Ces auteurs ont établi que pour chaque oui sur la liste d’EAE, on obtient un point sur son score d'EAE. Ensuite, ils ont mis en corrélation ces scores d'EAE et l'état de santé.
Ils ont trouvé deux choses saisissantes :
1. La première est que les EAE sont incroyablement courantes. 67% des 17 500 personnes testées avaient vécu au moins une EAE, et 12,6%, soit une personne sur huit, en avait vécu quatre ou plus.
2. La seconde chose qu'ils ont remarquée est qu'il y avait une relation dose-réponse entre les EAE et les états de santé : plus le score d'EAE était élevé, pire était l’état de santé. Pour une personne avec un score d'EAE de quatre ou plus, son risque relatif de maladie chronique d'obstruction pulmonaire était 2,5 fois plus élevée que pour quelqu'un avec un score d'EAE de 0. Pour les hépatites, c'était également 2,5 fois plus élevé. Pour la dépression, c'était 4,5 fois plus élevé. Pour les tendances suicidaires, c'était multiplié par 12. Une personne avec un score d'EAE de 7 ou plus avait 3 fois plus de risques d'avoir un cancer du poumon et 3,5 fois plus de risques d'avoir une cardiopathie ischémique, la première cause de décès aux États-Unis d'Amérique.
COMMENT EXPLIQUER CELA ?
Le stress toxique entraîne un dérèglement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, dérèglement qui se manifeste par des concentrations excessives de cortisol.
Lorsque ce stress intense ou prolongé survient tôt dans la vie, il peut exercer un impact négatif sur la structure du cerveau en raison de la toxicité des substances libérées, comme le cortisol, ce qui compromet la santé mentale et peut causer des dommages irréversibles au neurodéveloppement. Ces expériences négatives dans l'enfance sont associées à des déficits cognitifs, des difficultés d'apprentissage et à des problèmes de comportement. Une association positive a été trouvée entre le stress en début de vie et l'agressivité, la colère, la violence. Des études ont également montré une association entre le stress et l'obésité. Le stress toxique peut être le déclencheur de la manifestation de maladies génétiquement programmées, dont les maladies auto-immunes.
Un dérèglement du système de stress et une usure accrue sont également impliqués dans de nombreux troubles psychiatriques. En effet, les troubles affectifs, y compris le trouble dépressif majeur, le trouble bipolaire, les troubles anxieux et paniques, et le trouble de stress post-traumatique peuvent tous être considérés comme des troubles du stress toxique où les circuits neuronaux clés qui régulent la réactivité au stress ne fonctionnent pas de manière optimale.
STRESS TOXIQUE ET AUTOTRAITEMENT
La souffrance que causent ces EAE est la force destructrice qui pousse vers les comportements à risque : Fumer, boire, se droguer, avoir une sexualité précoce, multiplier les partenaires sexuels, outremanger, et… On sait que ces activités sont liées à des maladies spécifiques des poumons, du foie, aux infections, aux cancers, à l’obésité, à la dépression, à l’hypertension, au diabète, et plus.
Ainsi des maladies courantes et chroniques de l'adulte seraient en partie le résultat de tentatives d'auto-traitement de problèmes cachés qui sont survenus dans l'enfance.
Certes, nous dit le Dr Felitti : « Il ne s'agit pas d'une formulation diagnostique agréable ; elle indique que notre attention est confortablement concentrée sur des conséquences tertiaires situées loin en aval. Le diagnostic montre que les questions primaires sont bien protégées par les conventions sociales et les tabous et indique que nous nous sommes limités à la plus petite partie du problème : celle où nous sommes à l'aise en tant que simples prescripteurs de médicaments. »
PEUT-ON S’EN SORTIR ?
La biologie du stress met en évidence sa nature continue, cumulative et adaptative. Si ce processus peut être déréglé, entraînant toute une série de troubles affectifs, psychologiques, physiques et sociaux liés au stress toxique, il offre également de nombreuses possibilités de rétablissement non seulement par des approches médicales, mais aussi par des stratégies psychosociales, ainsi qu'en mettant davantage l'accent sur la santé et la forme physique en général comme moyen d'atteindre la résilience.
Il ne faut pas oublier mais, en fait, miser sur la plasticité cérébrale. Les interventions visant à prévenir les effets de l'adversité au début de la vie et à les atténuer à l’âge adulte peuvent avoir une influence positive énorme sur la santé des individus et des populations tout au long de la vie. Connaître la cause d’un problème c’est la chance de le régler. Il y a lieu d’espérer. Il n’y a pas de situation désespérée.
Ce sera le sujet de notre prochain blogue : LES THÉRAPIES DU STRESS TOXIQUE.
©2021 Danièle Starenkyj
SOURCES
1. V. J. Felitti , R. F. Anda, Relationship of childhood abuse and household dysfunction to many of the leading causes of death in adults. The Adverse Childhood Experiences (ACE) Study, Am J Prev Med,mai 1998.
2. Vincent J Felitti, The Relation Between Adverse Childhood Experiences and Adult Health: Turning Gold into Lead, Perm J, 2002.
3. Habib Yaribeygi, The impact of stress on body function: A review, EXCLI J, 2017.
4. Bruce S. McEwen and Huda Akil, Revisiting the Stress Concept: Implications for Affective Disorders, Journal of Neuroscience, janvier 2020.
5. Adriana César da Silveira et coll., Toxic stress, health and nutrition among Brazilian children in shelters, Open Access, 6 mars 2021.
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