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  • Danièle Starenkyj

VIEILLIR CE N’EST PAS MOURIR…

Notre érable centenaire… Nous l’avons vu soutenir stoïquement la tempête du verglas en 1998. Oui, il a été durement frappé mais au cours de sa longue vie, il en avait vu d’autres. Il a au moins 150 ans, et des traumatismes, il en a eu plus d’un. Son tronc est tout creux, sauvagement raboté. Il a dû subir un feu car, par endroit, il est calciné. Il a réussi à assimiler dans son bois un fil barbelé, preuve qu’il y avait là une ancienne clôture abandonnée. Son écorce est profondément ravinée, burinée. Quel sculpteur que le temps et ses ravages ! Depuis des décennies, alors qu’il ne présente plus qu’une croûte extérieure, je me demande comment il a fait pour continuer à se couronner chaque printemps de feuilles qu’il laissait choir sur le sol à l’automne en un tapis aux couleurs vives et chatoyantes.

Mais cet été, notre gros érable qui monte la garde au coin de notre propriété nous a laissé voir qu’il commençait à être fatigué. Quelques-unes de ses énormes branches n’ont pas été garnies de feuilles. Elles sont restées nues comme en hiver. Nous avons parlé tristement de l’abattre. On craint que ses branches massives qui, pour certaines semblent ne pas tenir à grand-chose, ne tombent sur les cultivateurs qui passent sur le chemin qui le borde. Mais eux, ils affirment qu’il est encore solide. Ils doivent s’y connaître mieux que nous… ou bien ils l’aiment comme nous l’aimons. On n’arrive pas à se décider. Ça fait si longtemps qu’il marque notre paysage.

Et voilà qu’une tache de couleur vive au cœur de son tronc massif a attiré mon regard. J’étais sur la galerie de la maison. Je me suis précipitée pour voir ce point lumineux. J’ai été saisie d’émotion : là, à l’abri du vent, de l’ardeur du soleil, et bien enracinée dans un humus riche, il y avait une touffe de capucines. Une graine, portée par un oiseau, ou rejetée par un raton laveur – que sais-je ? -- a trouvé dans la blessure béante de ce noble arbre, un refuge sûr, un asile fiable. Fleur ravissante, originaire du Pérou, la capucine a des fleurs et des feuilles qui sont comestibles et qui offrent des substances curatives reconnues : Le Dr E. Schneider parle de leur action bactériostatique à l’encontre des cocci, des bactéries intestinales et, étonnamment, du bacille dysentérique et du bacille diphtérique 1… Les feuilles et les fleurs de capucine (environ 10 à 15 g sous forme d’une très bonne salade) ont une action antibiotique parfaitement inoffensive sans réaction défavorable sur la flore intestinale ou les reins. Avant l’avènement des antibiotiques modernes, on l’employait non seulement contre la dysenterie et la diphtérie mais aussi contre la fièvre typhoïde et la pneumonie. En effet, elle stimule fortement la résistance générale de l’organisme et abaisse la fièvre 2.

Notre vieil arbre… Il a soutenu la corde à linge où tant de pantalons, chemises et robes ont été suspendus pour sécher au soleil et au vent. Il a porté la balançoire qui a bercé tant d’enfants. Il a servi de cachette et de mur d’escalade aux plus intrépides… et maintenant, fatigué, usé par les années, il a encore trouvé le moyen d’abriter une humble fleur, joyau précieux pour la santé et la protection du jardin. Je m’attarde auprès de lui. Je caresse son écorce rugueuse. J’inspecte une fois de plus ses branches, et je me dis, oui, encore une année au moins, ou plus, et, pourquoi pas, beaucoup plus…

Vieillir n’est pas synonyme de mourir. Vieillir, c’est encore être en vie… et vivre ! Notre cher érable est porteur d’innombrables souvenirs qui font sourire tous ceux qui le voient. Il a de formidables racines et, en fait, la vie lui vient de ses racines qui ont invariablement labouré le sol année après année pendant plus d’un siècle et demi. Et nous, humains, si nous forgeons des racines étendues et profondes tout au long de notre vie, vieillir ne sera-ce pas aussi, pour chacun de nous, continuer à sourire et à faire sourire en faisant du bien aux nôtres et aux autres ?

©2019 Danièle Starenkyj

1. E. Schneider, La santé par les aliments, p.126, Éditions SdT, 1966. 2. E. Schneider, Des plantes pour votre santé, p. 51-53, Éditions SdT, p. 1975.

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