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  • Danièle Starenkyj

Les épices de feu et votre santé

Le goût piquant – pardon il n’existe pas. Il faut parler de sensation piquante, en fait de cette sensation nerveuse qui touche le nerf trijumeau et active les muqueuses des yeux, du nez et de la bouche. Oui, c’est pour ça que vous éternuez, mouchez, pleurez et cherchez à éteindre le feu qui éclate dans votre bouche lors de la consommation d’un mets épicé, avec, entre autres, du piment fort, et divers poivres.

Je vais sur un site offrant la vente de piments – plus ou moins forts selon l’échelle de Scoville (les poivrons offrent 0 unités de Scoville mais certains piments peuvent aller jusqu’à 1500 et 2000 unités Scoville, (et certaines nouvelles variétés font infiniment plus). Je m’arrête à la mise en garde en gras et en rouge : « La manipulation des piments et des graines peut causer une irritation, évitez de les toucher à mains nues ». Mais elle ne s’arrête pas là : on conseille non seulement des gants mais aussi des vêtements recouvrant tout le corps, un masque et des lunettes de protection, le tout étant « fortement conseillé » pour éviter des brûlures du torse, des mains et des yeux. Et l’on avertit de ne pas toucher yeux, nez, lèvres et parties intimes après avoir découpé des piments forts.

En plus petit, je lis : « Consommé à forte dose le piment peut augmenter le risque de cancer de

l’estomac ». (Une étude rétrospective indienne 1 parle également de cancers de la bouche, du pharynx, de l’œsophage, et du larynx.) Il y a aussi contre-indication en cas de reflux gastro- œsophagien, de syndrome de l’intestin irritable, d’hémorroïdes, et pour les enfants de moins de deux ans.

La substance responsable de la sensation piquante ou brûlante est la CAPSAÏCINE présente sur la peau interne du piment (c’est là que se trouve son plus haut taux) et sur ses graines. Cette molécule de capsaïcine irrite les muqueuses de la bouche, dit-on. Mais que fait-elle aux muqueuses de tout le tractus digestif ? En tout cas, en fouillant la littérature médicale, on apprend que chez les sujets « sensibles », elle est cause d’hémorroïdes. (Le poivre noir a le même effet.) Elle peut occasionner des gênes respiratoires, des diarrhées (présumée tourista en pays chauds aux mets très épicés), des maux de ventre. Elle cause aussi une inflammation de l’estomac et des intestins, l’augmentation de la sécrétion des sucs digestifs, le ralentissement de la guérison d’un ulcère d’estomac, et un état d’épuisement nerveux chez les usagers habituels. De plus, la capsaïcine provoque un effet d’accoutumance : plus on mange piquant, plus il faut augmenter la dose de capsaïcine pour produire le même effet.

Au cours de mes recherches, deux études en particulier ont retenu mon attention :

CAPSAÏCINE ET TESTOSTÉRONE

Une étude française humaine 2 a démontré un lien en 2015 entre la consommation de sauce riche en capsaïcine (Tabasco®) et un niveau de testostérone élevé chez 144 hommes. Elle a été largement publiée sur les sites de musculature. Manger piquant, manger fort serait un signe de virilité, et par le biais de la testostérone qui s’élève, un facteur d’augmentation de la masse musculaire, mais aussi des comportements masculins caractérisés par la prise de risques (dans tous les domaines), la recherche de la nouveauté, les comportements aventuriers, audacieux, entreprenants, dynamiques, etc. Mais si ça augmentait aussi les comportements agressifs, belliqueux, violents, etc. ? Bien sûr, les hommes aiment-ils les piments parce qu’ils ont un niveau de testostérone élevé ou ont-ils un niveau de testostérone élevé parce qu’ils consomment des piments ? L’étude ne le dit pas…

ÉPICES ET ALCOOL

Une étude américaine 3, déjà en 1972, portait sur l’influence d’un régime alimentaire déficient en nutriments (parce qu’à base d’aliments hypertransformés) et additionné de onze épices courantes (dont le piment fort et le poivre), sur la consommation d’alcool de rats de laboratoire. Soumis à un tel régime, ces rats, lorsqu’on leur donnait le choix de boire de l’eau pure ou de l’eau additionnée de 10 % d’alcool, choisissaient de boire jusqu’à 20 fois plus d’alcool que les rats nourris d’une alimentation végétarienne équilibrée (riche en fibres et en nutriments) et SANS ÉPICES. (On mesurait l’alcool consommé en millilitres par 100 g de poids du rat.)

ÉPICES ET VIRILITÉ 4 ? ÉPICES ET ALCOOLISME ?

Le jeu en vaut-il la chandelle ? Parce qu’à force de jouer avec le feu, on finit par se brûler. Et, c’est prouvé : la transpiration, le rouge au visage (dilatation des vaisseaux) et la douleur buccale sont les réactions nerveuses propres à une véritable brûlure. Pourquoi cet amour du supplice ? Et pourquoi la pratique d’habitudes d’addiction qui risquent d’aggraver des comportements dangereux pour soi et pour

les autres ?

COMMENT ÉTEINDRE L’INCENDIE DE LA CAPSAÏCINE ?

L’eau n’a pas d’effet et l’alcool intensifie la sensation de brûlure. La capsaïcine déteste l’eau. Pour en neutraliser quelque peu les effets, il faut des lipides et des protides. Du côté végétal, on peut suggérer l’huile d’olive, les noix soigneusement mastiquées, le pain avec du beurre d’arachide bien mâché.

Et si l’on décidait de retrouver le goût subtil des aliments naturels, préparés respectueusement, consommés simplement ? Car, c’est bien connu, combien de sauces, ici et ailleurs, ne sont généreusement versées que pour masquer la piètre qualité de produits de piètre qualité…

©2018 Danièle Starenkyj

1. Notani P.N. Jayant K., Role of diet in upper aerodigestive tract cancers, Nutr Cancer, 10, 103-113, 1987. Étude citée dans Food, Nutrition and the Prevention of Cancer : a global perspective, World Research Cancer Fund and American Institute for Cancer Research, p.466, 1997. 2. Bègue Laurent, et coll., Some like it hot: Testosterone predicts laboratory eating behavior of spicy food, Physiology and Behavior, 139, 375-377, décembre 2015. 3. Register U.D., Influence of Nutrients on Intake of Alcohol, Journal of the American Dietetic Association, 6, 2, 159-162, août 1972. 4. IlhanT., Erdost H., Effects of capsaicin on testis ghrelin expression in mice, Biotech Histochem, 88(1), 10-18, janvier2013.

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