LE MULTITÂCHE : PAS DRÔLE DU TOUT !
Inutile de s’en vanter, le multitâche n’est pas une compétence. Les scientifiques sont affirmatifs : le cerveau – qu’il soit féminin ou masculin – n’est PAS multitâche 1.
LES MÉFAITS RECONNUS DU MULTITÂCHE
1. Le bombardement d’informations ralentit le cerveau qui est conçu pour se concentrer sur une seule chose à la fois.
2. Passer sans arrêt d’une tâche à l’autre réduit la productivité de jusqu’à 40 % -- l’équivalent cognitif d’avoir passé une nuit blanche 2.
3. Les employé(e)s interrompu(e)s dans leur travail par des courriels, des appels téléphoniques, des messages subissent une réduction du quotient intellectuel de jusqu’à 15 points, leur capacité cognitive pouvant devenir celle d’un enfant de 8 ans ou d’une personne sous l’effet du cannabis 3.
4. Le multitâche diminue l’efficacité, la productivité, la qualité du travail. Il fait prendre de mauvaises décisions.
5. Plus le multitâche est le modus operandi d’un individu, plus il en aura les effets négatifs. Selon certains chercheurs, ses dégâts pourraient même être permanents. Dans une étude, on a observé que des individus qui envoyaient des textos tout en regardant la télévision avaient une moindre densité cérébrale dans le cortex cingulaire antérieur, la zone du cerveau responsable de l’EMPATHIE et du CONTRÔLE ÉMOTIONNEL 1.
POURQUOI ?
1. La consultation frénétique des courriels, de Twitter, de Facebook et des textos, produit une dépendance neurologique, et l’illusion d’accomplir des choses importantes alors qu’on ne fait souvent que « placoter » électroniquement.
2. Le fait de chercher à régler plusieurs choses à la fois provoque un épuisement cérébral, cause d’une perte notable d’efficacité.
3. L’idée que l’on peut faire plusieurs choses en même temps est fausse. La réalité est qu’on ne fait que les enchaîner très rapidement les unes après les autres. Or, le cerveau a besoin de se reposer entre chaque tâche – tout comme le cœur entre chaque battement. Cette frénésie de « priorités » vide le cerveau de son GLUCOSE (l’unique combustible de la cellule nerveuse indispensable à son fonctionnement optimal) et ainsi affecte très négativement sa capacité d’attention.
4. Être multitâche augmente la production de CORTISOL, l’hormone du stress, et entraîne un sentiment d’épuisement mental, d’être vidé avant même d’avoir commencé à travailler. Ce sentiment sera alors, généralement, combattu avec des tasses de café et de multiples grignotages qui ne manqueront pas de délabrer notre caractère et notre silhouette.
QUE FAIRE ?
1. Adopter face aux médias sociaux la devise minimaliste : MOINS EST PLUS ; ou celle de l’OMS pour la consommation d’alcool : MOINS EST MIEUX ; ou celle des nouveaux entrepreneurs qui dirigent une entreprise d’une seule personne : « PLUS AVEC MOINS 4 ».
2. Choisir de ne faire qu’une seule chose à la fois pendant une période prolongée sans distraction ni interruption. Une étude de l’Université de Californie a trouvé que pour chaque interruption, il faut une moyenne de 23 minutes et 15 secondes pour se replonger pleinement dans une tâche 5. Il y a donc ralentissement important du travail efficace.
3. Être affairé(e) ce n’est pas travailler. Courir comme une poule sans tête n’est pas l’image de la personne maîtresse d’elle-même ou d’une situation. Plus on est affairé, moins on a le temps de penser, de résoudre les problèmes de façon créative, pour ne pas dire intelligente.
4. Accrocher à sa porte un écriteau avec cette inscription : « Prière de ne pas déranger ». La créativité et la productivité seront alors au rendez-vous. Daniel Levitin, professeur de neurosciences comportementales à l’Université McGill, affirme 6 : « Sauter d’une tâche à l’autre a un coût biologique qui nous mène à la fatigue plus rapidement que si l’on soutient son attention sur une seule chose. »
5. Prendre des PAUSES RÉGULIÈRES. On conseille de prendre toutes les deux heures une pause de 15 à 20 minutes, et même 25 minutes si le travail est très exigeant. En Finlande, pays de la réussite scolaire généralisée, les enfants ont une récréation de 15 minutes DEHORS toutes les 45 minutes. Ces pauses permettent de se changer les idées pour en trouver de nouvelles. Aller marcher, regarder par la fenêtre (qui a eu l’idée de faire des espaces sans fenêtres ?), écouter de la musique douce, lire de la poésie, boire un grand verre d’eau fraîche, respirer profondément, ou juste NE RIEN FAIRE, tout cela renouvelle notre cerveau. Dans cet espace de temps où la pensée peut s’évader, le cerveau augmente son réseau de neurones, et prend de l’expansion. Par contre, le multitâche lui impose une contraction douloureuse.
Nous devons à tout prix éviter le multitâche entretenu non seulement par la dépendance aux médias sociaux dans notre vie privée, mais aussi les interruptions incessantes causées par les courriels, les appels, les messages, les réunions au travail. Leurs effets délétères sur la capacité d’attention de ceux qui y sont accros sont réels et mesurables. Le plus grand besoin au travail, et dans nos relations personnelles, exige une immédiate stricte limitation de toutes ces interférences. Rappelons que dans notre société postmoderne, la CAPACITÉ D’ATTENTION -- capacité que certains spécialistes en informatique appellent « le nouveau quotient intellectuel – Q.I. », est l’aptitude de se concentrer sans se laisser distraire 7. Le rattrapage est urgent. Commençons tout de suite.
©2019 Danièle Starenkyj 1. Larry Kim, Multitasking is Killing Your Brain / Inc.com 2. Une recherche de Microsoft : A Diary Study of Task Switching and Interruptions, janvier 2005. 3. Infomania Worse Than Marijuana, BBC News, 22 avril 2005. 4. Jarvis Paul, Company of One, HMH, 2019. 5. Mark Gloria, The Cost of Interrupted Work : More Speed and Stress, dans Company of One, p. 232. 6. Daniel J. Levitin, L’esprit organisé, Éd. Héloïse d’Ormesson, 2018. 7. Cal Newport, Digital Minimalism, Penguin, 2019.