Quand les chiffres crient…
Le 8 juin 2015, l’Étude globale du fardeau de la maladie en 20131 avec ses chiffres ahurissants, faisait les gros titres de la majorité des journaux du monde. Certains journaux rapportaient à la une que « 95 % des humains souffrent d’une affection », d’autres journaux titraient que « seulement 5 % des personnes dans le monde n’ont aucune maladie ni handicap ».
Oui, ces chiffres sont ahurissants, mais celui qui m’a le plus accablée est celui-ci : 64 % des enfants de moins de cinq (5) ans dans les pays développés ont un problème de santé !
Soyons-en conscients, ce chiffre ne parle pas des enfants dans les pays pauvres et démunis, et il ne les inclut pas. Ce chiffre, strident comme une sirène d’alarme, nous parle des enfants dans nos pays bien nantis où l’on ne meurt pas de faim, ni de froid ; où l’on a de l’eau propre en abondance ; où les mesures d’hygiène ont sérieusement fait reculer les maladies infectieuses ; où les connaissances, le savoir, la science, sont à la portée de tous ceux qui veulent faire l’effort d’y accéder.
Bien sûr, des enfants malades risquent fort d’être des adolescents malades, puis de jeunes adultes malades, et il n’est pas difficile alors d’accepter ce chiffre phénoménal, précisé dans la revue Science et Vie en ces mots : « En 2013, 95,7 % des humains portaient le fardeau d’une maladie aiguë ou chronique, ou encore d’une blessure, une lésion ou un dommage physique » ; « seulement 4,3 % des êtres humains ne souffrent d’aucune atteinte d’aucune sorte, ni biologique, ni physiologique, physique ou mentale2. »
Dans quel groupe désirons-nous placer nos enfants3 ?
Et, disons-le carrément : nos enfants ne souffrent pas majoritairement de maladies transmissibles– maladies diarrhéiques, parasites, paludisme, sida, tuberculose, hépatite A --. Ils souffrent de maladies non transmissibles, c’est-à-dire, de ces maladies liées à notre style de vie marqué par l’abondance des produits transformés et ultra transformés que nous offre l’industrie alimentaire, le sédentarisme, et l’exposition intense aux médias et à leurs philosophies matérialistes. C’est ainsi qu’obésité, diabète, dépression infantile, anxiété, violence, autisme, hyperactivité, allergies – entre autres -- sont devenus le triste lot de 64 % des enfants de moins de cinq ans en Occident.
EN 2015, l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), récemment révélée par la Fondation du cœur et de l’AVC en décembre 2017, ne donne-t-elle pas une réponse à la raison d’une telle catastrophe ? Les plus grands mangeurs d’aliments ultra-transformés sont les enfants : les petits de 2 à 8 ans ingèrent 51,9 % de leurs calories dans ces produits, les enfants de 9 à 13 ans ingèrent 57 % de leurs calories dans ces produits, et les ados de 14 à 18 ans ingèrent 54,7 % de leurs calories dans ces produits. Quels produits ?
Croustilles, biscuits et pains industriels, pizzas surgelées, céréales sucrées, sauces du commerce, yaourts aromatisés, margarine, croquettes de poulet ou de poisson, boissons sucrées (17 % des calories), ETC. L’analyse de ces produits révèle qu’ils contiennent deux fois plus de calories, trois fois plus de sucre, deux fois plus de sel, beaucoup plus de graisses, beaucoup moins de protéines, de fibres, de vitamines et de minéraux. Et on ne compte pas les additifs… Je cite Jean-Claude Moubarac : « C’est très préoccupant. Pendant tout leur développement les enfants sont exposés à ces produits. Ce n’est pas étonnant que de plus en plus de maladies surviennent jeune. »
La réalité est dure à prendre, et comme le disait si bien le poète T.S. Eliot : « L’humanité ne supporte qu’une petite dose de réalité ». Elle préfère fermer les yeux, engourdir sa conscience, et faire comme si de rien n’était. Faudra-t-il que les chiffres hurlent ?
2017 Danièle Starenkyj
1. Global Burden of Disease Study 2013 Collaborators. Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 301 acute and chronic diseases and injuries in 188 countries, 1990–2013: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2013, The Lancet, 2015 DOI: 10.1 01 6 /S0140-6736(15)60692-4 2. www.science-et-vie.com/2015/o6/ 3. Starenkyj D., DEVENIR PARENT – Vivre un nouveau paradigme de la conception de l’enfant au sevrage, Orion, 2014.