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Danièle Starenkyj

SANS ALCOOL : TROIS TÉMOIGNAGES

Que peut-on retirer d’un mois sans consommation d’alcool ?


Premier témoignage : 


Rappelons que janvier sec c’est 31 jours sans alcool. Une étude informelle du journaliste Andy Coghlan au magazine NEW SCIENTIST a révélé en 2014 (janvier sec a été lancé en 2013) ces effets positifs étonnants d’un seul mois sec, effets mesurés par les cliniciens du Royal Free Hospital de Londres sur les abstinents d’alcool :


• les graisses accumulées dans les cellules hépatiques avaient diminué de 15% à 20%, ceci indiquant clairement une diminution de l’inflammation du foie ;

• il y a eu une perte de poids en moyenne de 1,5 kilos – rappelons qu’une bière comporte 153 calories et un verre de vin rouge 125 calories ;

• les taux de cholestérol ont baissé de 5% ;

• les taux de glucose ont baissé de 15% ;

• la résistance à l'insuline (une mesure du risque de diabète) a diminué de 28 % ;

• la pression sanguine a baissé ;

• la quantité de facteurs de croissance liés au cancer dans le sang a connu une diminution rapide.


Ces résultats ont contredit les opinions de certains experts des maladies du foie qui semblent maintenir haut et fort que l’abstention pour un buveur modéré n’offre aucun avantage pour sa santé. Par contre, Kevin Moore, hépatologue, a conclu à la suite de cette étude informelle : « Si quelqu’un avait un produit de santé capable de faire tout cela en seulement un mois, il ferait fortune. »


Le produit, vous l’avez : c’est l’abstention d’alcool. À vous donc la fortune !


Deuxième témoignage :


Claire Touzart : SANS ALCOOL – Être sobre est bien plus subversif qu’on ne le pense –

Paru en mars 2021, ce livre est le témoignage de la journaliste Claire Touzart sur ses 20 ans de consommation d’alcool incontrôlée, incontrôlable.


La relation des femmes à l’alcool est largement exploitée par de nombreuses séries télévisées qui mettent en scène des femmes qui boivent régulièrement sans cesser d’être belles, intelligentes, compétentes, et qui réussissent professionnellement. La publicité est mensongère, mais elle influence puissamment, et nombreuses sont celles qui, occupant de gros, moyens ou petits postes, épuisées de leurs journées, se retrouvent le soir à boire, seules. Certes, elles se disent : « un verre ou deux vont m’aider à décompresser » mais, rapidement, c’est la bouteille entière qui y passe…


Les idées noires, l’anxiété, la fatigue, l’agressivité, et la gueule de bois quotidienne avec ses souffrances physiques (maux de ventre, maux de tête, etc.) et psychologiques s’installent à demeure. Claire Touzart parle du vol de sa dignité et de beaucoup de son intelligence, et de l’angoisse de réaliser que ses nombreuses bêtises, et brouilles, et pertes de relations ont débouché sur une amère solitude de plus en comblée par la bouteille.


L’alcoolisme féminin est ignoré, soigneusement camouflé. On peut parler de la difficulté des femmes de bâtir une bonne image de soi face à des discours dissonants : Réussir, faire carrière, être indépendante, alors que dans l’image médiatique, elle reste l’objet sensuel de publicité par excellence. « Cette dégradation les pousse à se dégrader. »


Les femmes se sentent impuissantes. Le besoin de relâcher la pression le soir, de maîtriser leur colère, et de ressentir un moment de puissance, les poussent à s’enivrer. « L’alcool au fond, c’est se salir, se noyer, s’écraser. »

Ce témoignage féminin est extrêmement fort. Claire Touzart a décidé de cesser totalement de boire. Pour elle, la sobriété est finalement « la vraie rébellion ». Au contraire, « l’abrutissement n’est pas subversif. » « Affronter le réel n’est pas plus dur que de le fuir. »


Aujourd’hui, l’amour d’un homme l’a tirée de son abîme. Elle est maman. Elle a découvert le bonheur de se balader dans la nature et trouve sympa de s’y promener avec ses amies plutôt que de prendre l’apéro.


Je retiens et partage sa thérapie : « La parole, c’est ce qui m’a le plus aidée. La parole de mon compagnon, la parole des AA. » (Alcooliques Anonymes)


Troisième témoignage :



Julien Guéniat a décidé de faire 90 jours d’abstinence. Voilà les arguments et raisonnements qui l’on mené à ce choix qui s’est transformé, depuis, en plusieurs cycles de 90 jours.


Son raisonnement pour couper sa dépendance à l’alcool est solidement assis sur les points suivants (hacks) :


1. La réalisation que, rapidement, pour avoir le même effet euphorique qu’au début, il faut augmenter les quantités, et cela se fait automatiquement. C’est ce qui s’appelle l’accoutumance. Il est alors important de se mettre à mesurer sa consommation. La magie de la mesure est qu’elle amène à diminuer la consommation, mais il faut aussi mesurer le temps perdu à être malade, le temps passé en soirée au lieu de dormir, l’argent dépensé en alcool mais aussi en taxi pour revenir à la maison, etc.


2. L’importance de brosser dans sa tête le portrait de l’enfer devant nous si l’on continue à boire, mais aussi de documenter les conséquences positives dans sa vie si l’on continue à ne pas boire.


3. S’encourager, maîtriser ses peurs par rapport à l’arrêt de boire --je vais m’ennuyer, perdre mes amis, je ne rencontrerai plus de filles, on va me rejeter – en se disant que le choix de ne pas boire est temporaire : c’est un défi de 90 jours (ou de 28 ou 31 jours). C’est juste un test, un défi limité. Cela allège le stress de ne pas pouvoir tenir. Et pour Julien ce défi qui pensait d’abord être un sprint s’est transformé en marathon.


4. Ne pas se faire confiance. L’environnement doit nous présenter le moins d’obstacles possibles : vider armoires et réfrigérateur de toute bouteille d’alcool, s’entourer de gens qui vont nous soutenir et non pas se moquer de nous. Éliminer les slogans : sans alcool la fête est ennuyeuse. Non, les fêtes, en général, sont ennuyeuses, et c’est pour ça que les gens boivent.


5. Se préparer à être confronté par son environnement et formuler quelques phrases types pour rassurer ceux qui sont inquiets pour nous : « Je fais un défi. C’est temporaire. » Ou être honnête et risquer d’ouvrir le dialogue : « J’ai commencé à avoir des problèmes avec l’alcool. J’ai mis l’alcool en pause. » Croire à la puissance de l’influence sur les autres. Il faut un type qui a le courage de commencer le défi, et risquer d’en entraîner d’autres.


6. L’argument de la MODÉRATION. Il s’agit d’une dissonance cognitive. On se dupe. La consommation augmente avec le temps (accoutumance). Arrive un coup dur et la béquille devient rapidement un gouffre. Il vaut mieux faire le choix de l’abstinence que d’avoir besoin, à chaque occasion, de calculer les consommations et veiller à ne pas les dépasser.


Pour Julien, définitivement, les bénéfices d’une vie sans alcool dépassent infiniment les supposés avantages d’une vie avec alcool. Puissent son courage et son témoignage auprès des hommes jeunes et entrepreneurs comme lui changer la dynamique d’une société noyée dans l’alcool et qui refuse d’en avouer les dégâts humains.


CONCLUSION


La sobriété est subversive. Pourquoi ?


Tous ceux qui ont fait le choix délibéré de la sobriété l’affirment : On se rend soudain disponible pour la vie spirituelle. On échappe à la solitude métaphysique1. Des pensées infinies nous viennent, et tout ébahi, chacun découvre un sens nouveau à sa vie.


© 2022 Danièle Starenkyj

1. Starenkyj D., RÉFLEXIONS POUR UNE VIE MEILLEURE, Orion, 2015.



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