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  • Danièle Starenkyj

LES THÉRAPIES EFFICACES DU STRESS TOXIQUE

Les expériences d’adversité de l’enfance sont à l’origine du stress toxique qui s’exprime par un dérèglement du système de réponse au stress -- de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien -- signalé par des concentrations de cortisol trop élevées et entraînant des perturbations neurologiques, endocriniennes et immunitaires. Le stress toxique est une réponse détraquée qui devient le mode habituel de réaction à tous les stress petits ou grands poussant ceux qu’il afflige à des comportements anxieux ou dépressifs difficiles à gérer et nuisant douloureusement aux relations humaines personnelles, parentales et sociales.


Les thérapies suivantes sont fondées sur des preuves et utilisées avec succès par les services de santé mentale et comportementale.


A. LA THÉRAPIE DE LA PAROLE


J’ai le privilège d’être amie avec Dr Marilyne Baranes, onco-psychologue, spécialiste du traumatisme à Paris, en France. Nos échanges sont fascinants, et alors qu’un jour nous parlions des effets libérateurs de ses interventions auprès de ses patients, spontanément, je lui ai dit : « Marilyne, ce que le soignant doit faire c’est : ÉCOUTER POUR SOIGNER, et ce que le patient doit faire c’est PARLER POUR GUÉRIR. Il y eut un silence dans notre conversation… Puis, elle me dit : « Oui, c’est ça. Je vais en faire le titre d’un prochain article1. »


Récemment, un article médical avait pour titre la nécessité de faire des efforts nationaux pour la mise en œuvre de « soins tenant compte des traumatismes » (Trauma-Informed-Care – TIC)2. L’élément pivot de ce nouveau paradigme est un changement de la question du soignant au patient lors d’une première visite : Non plus : « « Qu’est-ce qui ne va pas ? » MAIS : « Que vous est-il arrivé ? »


Le stress toxique, pour en guérir, doit être écouté par le soignant et parlé par le patient. Les points suivants assurent dans de nombreux cas des transformations personnelles significatives :


1. Il faut reconnaître l’existence du ou des traumatismes (voir le blogue : Le stress dont il faut guérir pour ne pas en mourir).

2. Il faut reconnaître le besoin de sécurité physique et émotionnelle de la personne souffrante.

3. Il faut inclure le patient dans le processus de guérison : lui offrir choix, contrôle et collaboration.

4. Il faut croire dans les forces et la résilience du patient.

5. Le soignant et le patient doivent bien comprendre que la suppression verbale du traumatisme augmente le stress toxique, aggrave les symptômes du syndrome de stress post-traumatique, de l'anxiété et de la dépression.


COMMENT PARLER ET À QUI ?


Parler est difficile pour tout le monde.

* Fréquenter un groupe de soutien,

* suivre une thérapie cognitivo-comportementale3,

* joindre un petit groupe formé autour d’un thème d’étude et de discussion, aident les gens à pratiquer ensemble les compétences leur permettant de recadrer leurs expériences et découvrir la possibilité d’un développement personnel positif. Le secret de l’appartenance à un groupe est le sentiment, curatif en soi, d’être lié aux autres et d’être moins seul.


B. LA THÉRAPIE DE L’ÉCRITURE


Écrire est une autre façon de parler.


On peut

∞ écrire une expérience difficile sans en faire une thèse ;

∞ sans se soucier des tournures de style et des fautes d’orthographe ;

∞ et coucher sur le papier la vérité du stress toxique qui nous torture et nous donne des réactions hyperactives à la moindre chose.



Ces gestes sont un exercice qui produit un puissant effet de libération.


Une étude a proposé à de jeunes universitaires d’écrire sur les expériences les plus traumatisantes et les plus bouleversantes de leur vie, en décrivant leurs réflexions et leurs sentiments les plus profonds. La rédaction ne devait durer que 20 minutes et se poursuivre sur quatre jours. Six semaines plus tard, les chercheurs ont rapporté que ceux qui avaient accepté ce devoir avaient une meilleure humeur, ils ressentaient moins de stress, et présentaient des améliorations post-test des marqueurs sériques du fonctionnement immunitaire4.


Des études subséquentes ont confirmé les bienfaits de cet exercice calmant du système nerveux autonome (celui qui contrôle la tension artérielle, le rythme cardiaque, la fréquence respiratoire, la température corporelle, etc.). Elles ont aussi confirmé ses bienfaits pour tous les âges (enfants, adultes, aînés), toutes les classes sociales, les hommes et les femmes, toutes les cultures, et même les diverses personnalités. Plus, elles ont établi qu’aussi peu que 15 minutes d’écriture par jour pendant trois jours consécutifs étaient suffisantes pour obtenir de bons résultats.


C. LA THÉRAPIE DU JEU LIBRE EN PLEIN AIR


En l’absence de jeu libre en plein air et de relations sûres, stables et enrichissantes, le stress toxique perturbe le développement de la fonction exécutive et l'apprentissage du comportement prosocial des enfants. C’est pourquoi en présence de l'adversité de l'enfance, le jeu devient fondamental. Il associe de nombreux facteurs de santé physique (exercice, air pur, soleil) et mentale (la joie mutuelle, la communication partagée, les interactions harmonieuses de service et de retour que les parents et les enfants peuvent éprouver pendant le jeu). Tous ces facteurs régulent la réponse du corps au stress.


Le jeu n’est pas frivole, affirme l’American Academy of Pediatrics5. Alors, rallions-nous à ce cri de nombreux pédiatres et éducateurs : Laissez les enfants jouer ! Et pour une psychothérapie familiale, parents, jouez avec vos enfants !


D. LA THÉRAPIE DE L’ESPOIR


Les expériences d’adversité de l’enfance (EAE), aussi appelées expériences néfastes de l’enfance (ENE), ne sont pas les seules expériences que nous pouvons connaître. Non, la réalité des expériences positives de l’enfance (EPE) ne doit pas passer sous silence. Celles-ci ont le pouvoir de contrebalancer les EAE et d’affaiblir leurs effets toxiques6.

La plasticité cérébrale est source d’espoir. Beaucoup d’expériences d’adversité entremêlées d’expériences positives, nombreuses ou pas -- parfois, il en suffit d’une seule véritablement positive -- et le stress toxique perd de son emprise. La résilience prend le dessus et l’on ose demander de l’aide, développer des relations de confiance, adopter une attitude positive, écouter ses sentiments, les dire, les écrire, les dessiner, les peindre – « l’art c’est une blessure qui devient lumière », a dit George Braque – les chanter, les prier.


Et voilà que le plomb de l’adversité se transforme en or, l’or de la main tendue vers les autres pour leur faire du bien et tenter de leur épargner le mal qui nous a blessé. La joie de se tourner vers l’autre fait naître dans le cœur les sentiments ultimement positifs de la gratitude et de l’émerveillement.


Les facteurs qui nourrissent l’espoir au quotidien et sont porteurs d’expériences positives de l’enfance sont :


→ une personne -- parent, éducateur, voisin, ami -- pour qui nous comptons, qui nous protège, qui nous soutient ;

→ un lieu (maison, école, centre communautaire, clinique médicale, église) où l’on est bienvenu et en sécurité ;

→ des traditions familiales, culturelles ou religieuses quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles ou annuelles auxquelles nous aimons participer qui nous donnent un sentiment de permanence et d’appartenance ;

→ au moins un numéro de téléphone que l’on peut signaler peu importe l’heure et/ou une adresse où l’on peut frapper en tout temps avec la certitude d’un accueil chaleureux, d’un sourire sincère, d’un amour inconditionnel.


Ultimement la thérapie de l’espoir se fonde sur la réalité du présent à vivre une journée à la fois. La formule existe depuis des millénaires : « À chaque jour suffit sa peine. » Vous rappelez-vous de la comptine ancestrale chantée lors de la prière journalière pour le remerciement du pain quotidien ? « Le pain d’hier est rassis. Le pain de demain n’est pas cuit. Seigneur bénis le pain d’aujourd’hui. »


Cultivons soigneusement l’espoir, cette force au présent qui a le pouvoir de trouver un sens à la souffrance avec l’assurance d’en sortir grandi et meilleur7.


RÉFÉRENCES ET SOURCES

1. Marilyne Baranes, Écouter pour soigner –Parler pour guérir, La Lettre du cancérologue, Dossier psycho-oncologie, octobre 2017.

2. Eva Purkey, Soins tenant compte des traumatismes, Canadian Family Physician, mars 2018.

3. www.surmonterladepression.ca/ Dr Neil Nedley.

4. Pennebaker J.W., Seagal J.D., Forming a story: the Health Benefits of Narrative, Journal of Clinical Psychology, 1999.

5. Michael Yogman, The Power of Play: A Pediatric Role in Enhancing Development in Young Children, Pediatrics, American Academy of Pediatrics Clinical Report, 2018.

6. L'équipe HOPE (Healthy Outcomes from Positive Experiences -- Résultats sains découlant d'expériences positives) du Tufts Medical Center.

7. Starenkyj D., Réflexions pour une vie meilleure, Orion, 2015.



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