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  • Danièle Starenkyj

De la VIANDE PROPRE… ça existe ?

C’est du moins ce que veulent nous faire croire les tenants de l’agriculture cellulaire qui la présente comme une solution de remplacement humanitaire à l’agriculture animale industrielle. La première récolte de cette viande cultivée en laboratoire date de 2013 : un burger de 142 g cultivé, synthétique, artificiel, issu des techniques d’ingénierie cellulaire, obtenu au coût total de 250 000 euros (certains rapports parlent de 275 000 et 290 000 euros). Fabriqué aux Pays-Bas par le créateur du premier steak in vitro, Mark Post, il a été dégusté à Londres. La compagnie Memphis Meats (San Francisco) concocte depuis une viande in vitro au coût de 18 000 dollars U.S. le kilo. En février 2016, on publiait une photo de la première boulette de viande synthétique et en mars 2017 celle d’un mets à base de poulet artificiel issu de cellules souches. On annonce également des substituts biotechnologiques de lait et de fromage artificiels sans aucun lait de vache ou de chèvre, mais produits grâce à l’expression de gènes de protéines de lait de vache dans la levure qui seront ensuite enrichies avec des matières grasses végétales, divers nutriments et du sucre (Muufri). Un groupe de biohackers (des bricoleurs d’ADN) envisagent de produire du fromage à partir de lait humain dans la levure.

POURQUOI ?

La VIANDE PROPRE 1… C’est un monde futuriste qui, avec ce slogan percutant, se veut protecteur de l’environnement, économisant les énergies fossiles et les réserves d’eau, diminuant les gaz à effet de serre, réduisant la déforestation, et condamnant totalement l’exploitation et la cruauté animales. Polarisés par l’urgence de sauver la planète et l’obligation morale d’abolir les fermes d’élevage industrielles et de contourner l’abattage des animaux, ces nouveaux industriels d’une viande dite propre parlent de reprendre le contrôle de tout ça grâce à la domestication des cellules animales, une seule cellule de vache pouvant nourrir un village entier.

COMMENT ?

Sur un animal vivant et sous anesthésie locale, on prélève quelques cellules de muscle puis on les met en culture. Celles-ci se multiplient dans des boites de Petri avec un milieu de culture suffisamment riche pour permettre la multiplication des cellules. Qu’y a-t-il dans ce milieu de culture ? Des hormones, des facteurs de croissance, du sérum de veau fœtal, des antibiotiques, des fongicides. Au bout de 4 à 6 semaines, on obtient un amas de fibres musculaires. Cette « viande » est blanche, n’a pas de nerfs, pas de vaisseaux sanguins ni d’isolats de graisses. On l’assaisonne alors et la maquille avec de la chapelure, du jus de betterave, du safran, de la poudre d’œuf, et… L’énumération dans les documents consultés s’arrête sur un ETC. Énigmatique !

UNE FAUSSE BONNE IDÉE 2

C’est ainsi que les scientifiques plus sceptiques que les médias parlent de ce nouvel engouement pour la VIANDE PROPRE. Leurs observations nous donnent un autre son de cloche :

* Il s’agit de synthèses in vitro, de technologies de pays riches, et pour le moment extrêmement coûteuses. * Les différents systèmes de production de viande artificielle proposés tournent autour d’unités en périphéries des villes dans des bassins de la grandeur d’un champ de football (production à « faible » coût), ou en « circuit courts » dans des « carneries » (usines de fabrication de viande in vitro) locales sur le modèle des brasseries locales. * Il y a utilisation massive de molécules actuellement interdites et (combattues) en élevage industriel et d’origine animale. (Voir l’énumération ci-haut) *La viande in vitro n’est pas moins polluante. Elle permet peu de réduction de gaz à effet de serre. Elle utilise des énergies fossiles. Il y a peu d’économie d’eau. Les résidus de molécules de synthèse utilisées pour la culture se retrouvent dans les eaux usées des usines. * La presse minimise, sous-estime énormément le temps d’acceptation qu’il faudra pour que la viande in vitro – malgré son appellation attrayante et aseptisée de VIANDE PROPRE – ne répugne un public qui recherche ardemment une alimentation naturelle, non transformée, végétale. * Emportés par le caractère révolutionnaire de cette innovation de haute technologie, on insiste sur la composition nutritive contrôlée et optimisée de cette concoction, mais les scientifiques savent qu’il est difficile de tout contrôler et s’inquiètent qu’on laisse de côté le principe de précaution : « Dans l’absence de certitude, abstiens-toi. » * Les philosophes s’attristent d’un monde futur sans élevage et donc d’une société humaine sans animaux : « La disparition des animaux d’élevage signe celle de tous les animaux domestiques, y compris chiens, chats et cochons (ou poules) au fond du jardin… Il n’y a pas de cohérence éthique à supprimer les uns et pas les autres. » Ils s’insurgent contre un avenir brossé avec optimisme mais tout malheureusement basé sur la recherche éhontée du profit : « Quant aux start-up de l’alimentation 2.0 ou de la robotique, elles préconisent de remplacer les animaux domestiques par des substituts plus rentables : viande in vitro ou robots (pour les animaux de compagnie) qui sont des mannes financières sans équivalents. » (Jocelyne Porcher, INRA)

QUE FAIRE ?

Je vous propose la solution concrète et urgente de l’INRA (Institut national de recherche agronomique) : augmenter les légumineuses et les céréales complètes, des sources certaines de protéines de qualité 3. Quant aux animaux, réfléchissons que depuis des millénaires, ils nous ont rendu service en nous fournissant des aliments, des vêtements (laine, cuir) et des services (chiens bergers, chevaux de trait et de transport, etc.) Ce sont « l’industrialisation de l’élevage et la priorité donnée au profit sur toutes autres rationalités du travail » qui ont rompu les sains rapports hommes-bêtes. Un proverbe affirme depuis des millénaires : « Le juste prend soin de ses bêtes ; mais les entrailles des méchants sont cruelles. » (Proverbes 12.10) Notre monde prêt à nier et renier à ce point notre histoire et notre culture ne manquerait-il pas de cœur ?

©2018 Danièle Starenkyj 1. Shapiro Paul (de la Humane Society of United-States et porte-parole de cette nouvelle industrie), Clean Meat, Gallery Books, 2 janvier 2018. 2. Hocquette, J.-F., Viande in vitro, Journal of Integrative Agriculture, Vol. 14, No. 2, p. 206-294, 2015. 3. Starenkyj D., Le bonheur du végétarisme, Orion, 2017.

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