LE CRI DE LA DIGNITÉ
« Dilemme intime », un texte de Marie-France Bazzo dans l’Actualité de février 2018, expose avec beaucoup de tact, de délicatesse et d’honnêteté combien il peut être difficile pour une femme agressée de réagir, et de s’opposer aux gestes inconvenants. «Le trouble intime », dit-elle, est « complexe » et « profond ». Certes, la peur des conséquences, du quand dira-t-on, des représailles –perdre sa réputation, son travail, sa famille -- fige, glace, pétrifie, tétanise la personne assaillie. Et dans sa passivité, une femme consent au rapport infâme de la victime et de l’agresseur. Pourtant, par nature, une femme n’est pas une victime, et un homme, par nature, n’est pas un agresseur. Ils sont l’un et l’autre des êtres humains égaux appelés à vivre dans le respect mutuel. Où se situe alors aujourd’hui le problème ?
Demandons-nous, réfléchissons : une société qui accepte l’hypersexualisation des filles, une société qui fait étalage de femmes fatales dans ses annonces, et sur ses affiches, et sur ses panneaux publicitaires, une société qui noie ses médias de pornographies de tout calibre, une société où l’alcool et les autres drogues font partie du quotidien pour en troubler hautement les comportements, ne détruit-elle pas, à la base, cette digue destinée à protéger la femme, et à prémunir l’homme : la pudeur ? Je soumets à votre attention cette affirmation du biologiste Joachim Ellies : «Un être humain sans pudeur est un estropié psychique. » Avoir le sens de sa valeur de femme et avoir le sens de sa valeur d’homme est le fondement de l’équilibre mental de l’une et de l’autre. Il ne faut jamais l’oublier.
Un très ancien texte1 tiré des lois civiles hébraïques sur le viol stipule l’obligation pour la fille agressée de CRIER -- d’appeler au secours sur le champ. Ne serait-il pas impératif d’éduquer nos enfants à s’indigner et réagir à voix haute à toute approche douteuse, et ce, dès leur plus jeune âge ? Dans ce texte, les cris sont la preuve de l’innocence, et l’assurance de la libération, pour la femme, de toute condamnation, l’homme étant alors jugé comme l’unique coupable. Bien sûr, il s’agit là d’une législation d’un autre temps et d’ailleurs… Mais crier, n’est-ce pas dire NON ? Crier, n’est-ce pas affirmer que l’on n’est pas une victime ? Crier, n’est-ce pas rejeter toute honte ? Crier, n’est-ce pas, définitivement, vivre au présent pour ne pas permettre à un passé déroutant d’hypothéquer l’avenir ? Mais, prenons le temps d’y penser, et si « crier » – faire tout pour que l’acte ne soit pas perpétré -- était en fait un geste altruiste ? Une façon ultime de prévenir, de se sauver en sauvant aussi l’autre ?
Alors que les dénonciations d’agressions sexuelles envahissent notre quotidien, il est urgent de l’entendre dire à nouveau : Femmes, vous n’êtes pas des choses2. Hommes, vous n’êtes pas des bêtes3. Oh, puisse le cri de la dignité nous libérer tous !
©Danièle Starenkyj 2018.
1. Deutéronome 22.23-27, La Bible.
2. Starenkyj Danièle, CE QUE CŒUR DE FEMME VEUT, Orion.
3. Starenkyj Danièle, CE QUE CŒUR DE FEMME VEUT, Orion.