LA FORCE DES CÉRÉALES COMPLÈTES : une vérification historique
J’aime mon Guide romain antique, épluché, souligné, lu et relu maintes fois. Ce livre décrit les quatre actes de l’Épopée romaine -- ce royaume décrit dans un ancien texte comme ayant la force du fer, pulvérisant et cassant tout. L’exposé est clair : il s’agit d’une civilisation qui passe de la stabilité au chaos, de l’élévation à la chute, de son apparition à sa disparition. Chaque étape est décrite avec précision, sans oublier la vie quotidienne, et donc les repas.
1. Dans la Rome royale, «on mange pour vivre », c’est-à-dire pour agir, construire, conquérir. Ces premiers Romains sont étonnants de force, de courage, de piété. Paysans à l’esprit pratique, ils vivent chichement – il s’agit-là d’un jugement moderne – et se nourrissent d’une bouillie épaisse préparée avec des grains de blé ou d’épeautre torréfiés et concassés, cuite avec de l’eau dans un chaudron de bronze. Ils agrémentent ce plat principal avec des légumes.
2. Dans la République romaine, à la frugalité primitive succède – dans les hautes classes – un souci de mieux vivre. Les importations de plus en plus faciles permettent d’organiser des menus plus variés et plus subtils. Les céréales sont toujours cultivées par priorité. On plante de nouveaux cépages et des oliviers. L’apiculture est une source de profit. Il rentre dans l’alimentation quotidienne, et dans la composition des médicaments.
3. Le jugement de Platon sur l’Empire romain est cinglant : « L’or et la vertu sont comme deux poids mis dans les plateaux d’une balance : l’un ne peut pas monter sans que l’autre s’abaisse. » Dans les hautes classes, on ne mange plus pour vivre. On vit pour manger. Les repas deviennent des occasions d’orgie. Les mets arrivent au son d’instruments de musique, de danses, de surprises. Ils sont composés de quatre services, outre des œufs pour commencer et des fruits pour finir. On se goinfre de fruits de mer, de viandes apprêtées savamment (chevreuil, sanglier, poulet, canard, porc, lièvre), et de desserts au miel. Pline observe : « Un cuisinier coûte aussi cher qu’un triomphe (militaire). » Phénomène marquant : la viticulture se substitue à la culture des céréales. Le vin déplace le pain.
4. Le Bas-Empire. Après la décadence, c’est la chute. Le raffinement culinaire s’allie à la voracité. Élagabal, un prêtre syrien qui règne un temps, donne des festins de 22 services, et offre un cadeau à quiconque lui présentera une recette inédite.
MAIS, tout au long de cette longue et triste histoire qui ne cesse de fasciner nos esprits modernes inquiets d’en vivre une répétition dans notre temps, les ESCLAVES, les LÉGIONNAIRES et les GLADIATEURS -- aux dépenses énergétiques énormes -- continuent à consommer la même ration de force : du blé, de l’orge, de l’épeautre sous forme de bouillie, de galettes, ou de pain. Ces hommes véritablement de fer, consomment entre 800 g et 1200 g par jour de céréales complètes. Aux athlètes d’aujourd’hui qui ne jurent que par les protéines concentrées comme aliment de force, je soumets ce mot d’esprit d’Albert-François Creff, un des premiers médecins sportifs de notre ère : « L’athlète (moderne) est un colosse aux pieds d’argile ». Un colosse en partie solide et en partie fragile, appelé à s’effondrer… Il y a là matière à réflexion, surtout pour nos adolescents et jeunes adultes qui se lancent dans cette arène avant même d’avoir atteint leur plein développement physique et mental1.
©2017 Danièle Starenkyj
1. Voir de Danièle Starenkyj, L’adolescent et sa nutrition, Orion.