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  • Danièle Starenkyj

L’ORTHOREXIE, UNE NOUVELLE ORTHODOXIE À COMBATTRE ?

Bon, certaines personnes ne trouveront pas ce terme dans leur Petit Robert. Il apparaît pour la première fois dans le Larousse 2012. Le mot est composé de deux racines grecques : ortho – droit, au sens propre, correct, au sens figuré / et rexie – appétit. Et, il est fort possible que je n’aie pas la dernière version du programme Word, mais enfin, il continue à souligner en rouge ce mot chaque fois que je l’écris. C’est en 1997 que le public l’entend pour la première fois. Le Dr Steve Bratman l’introduit pour signaler un « nouveau » trouble des conduites alimentaires – le trouble de ne vouloir consommer que des aliments sains et le refus volontaire de la malalimentation. Il appuie sa démonstration par la description de cas qu’il qualifie lui-même d’extrêmes et conduisant à la malnutrition et à l’isolement social. Il conçoit un test basé sur des questions et permettant l’autodiagnostic. Quelques « oui » invite à des choix alimentaires plus décontractés ; des réponses majoritairement positives révèlent un comportement obsessif -- « un grave trouble psychologique ». On ne nie pas qu’à ne manger que des radis et des germes de luzerne, on va souffrir de dénutrition, mais pas plus qu’à ne manger que des frites et du fromage en grains.

Le problème dans tout ça, se lamentent certains groupements, c’est que, malgré bien des efforts de la part de divers organismes, on ne retrouve pas l’orthorexie dans le DSM –IV (2000), ni dans le plus récent (DSM-V 2013), soit dans le manuel de référence en psychiatrie. Cette autorité n’offre pas à ce phénomène qui --entend-on dire, prend de plus en plus d’ampleur (!) -- une catégorie qui permettrait d’offrir les soins appropriés à ses malheureuses victimes.

Peu importe ! Le terme est exploité en 2004 par le Conseil européen de l’information sur l’alimentation – cofinancé par l’industrie agroalimentaire – qui parle d’« orthorexie nerveuse – quand manger trop sain devient malsain » -- puis par la firme agroalimentaire Danone qui lui consacre un article dans sa Lettre Objectif Nutrition numéro 106 décembre 2012 sous le titre : «L’orthorexie : L’obsession du manger sain ». Puis en 2013-2015, la Fondation Nestlé prime une thèse sur l’orthorexie. La lauréate Dr Camille Adamiec y dénonce l’orthorexie. Puis, elle se ravise, après avoir fait des recherches sur le terrain, et non pas – comme pour sa thèse -- sur des forums ou des blogs. Elle affirme alors que les orthorexiques ne sont pas des obsédés de la nourriture. Ils ne souffrent pas du sentiment d’être exclus ; ils ne sont pas des êtres en souffrance ; ils ont une éthique de vie qui les réconforte, leur procure de la joie, et leur permette d’aller mieux. Selon elle, l’orthorexie est une nouvelle pratique alimentaire et non un nouveau trouble alimentaire.

Par contre, à lire la presse générale, on relève des explications de ce supposé trouble en des termes ambigus. Sous une photo montrant une abondance de fruits, légumes, céréales, légumineuses, noix et graines, il y a la légende : « Une alimentation saine se caractériserait (remarquez le conditionnel marquant le sous-entendu péjoratif « selon les orthorexiques ») par la consommation de produits frais, naturels, et le refus d’aliments raffinés, industriels ou transformés. » De quoi hausser les sourcils, au moins, n’est-ce pas ? Ailleurs, on qualifie d’orthorexie le désir extrême « du manger sain », c’est-à-dire le désir de réduire sa consommation de matières grasses, de sel, de sucre, de produits chimiques, et de toute autre substance nuisible à la santé – évidemment, ironiquement, selon le jugement de la personne orthorexique. Un autre article dit carrément que l’orthorexique refuse le sucre blanc et de tout ce qui en contient, la caféine et de tout ce qui en contient, l’alcool et de tout ce qui en contient, la levure, le soja, le maïs (attention si vous refusez le sirop de maïs et tout ce qui en contient…), les produits laitiers (aïe, aïe, aïe !), les pesticides, les herbicides, et les colorants et autres produits artificiels. Cela se passe certainement de commentaires.

Mais en guise de conclusion, laissez-moi vous soumettre la conclusion d’un autre article populaire : Il n’y a pas de mal à manger des « Pop-Tarts » et des patates chips, bien sûr pas tout le temps, mais en fait, le temps d’avoir du plaisir, de sortir de son isolement social, et d’abandonner la politique de la tolérance zéro envers les produits issus de l’industrie agroalimentaire. Sinon, gare, on risque de vous coller la déstabilisatrice étiquette d’orthorexique.

© 2017 Danièle Starenkyj

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